La faillite éthique de l’ONG “Hackers Sans Frontières” (suite)
“De quelle espèce sont donc tous ces gens, dont l’âme n’a pour assise que l’étiquette […] ?”
I - Rappel des faits
Le 6 janvier 2023, l’Ecole de Guerre Economique publiait un article intitulé “La faillite éthique de l’ONG Hackers Sans Frontières”. Cet article dénonçait de façon étayée de graves défauts d’éthique et un manque de transparence de l’association “Hackers Sans Frontières”. En particulier, l’article analysait que :
- L’association revendique une posture d’exemplarité et de transparence, notamment au travers des nombreuses apparitions médiatiques visant à promouvoir l’association et ses fondateurs.
- L’association ne référence publiquement aucune structure organisationnelle, ni mention légale.
- Florent Curtet, président de l’association, a été mis en examen le 14 novembre 2021 pour “piratage informatique, extorsion en bande organisée et association de malfaiteurs” (le procès n’ayant pas encore eu lieu, il reste présumé innocent).
- “Hackers Sans Frontières” n’a pas communiqué sur cette mise en examen, alors que les faits sont publiés dans la presse : cette absence de communication constitue une volonté de dissimulation des faits, soit une faute éthique (et non les faits d’accusation eux-mêmes, qui ne sont pas encore jugés).
- Une série de comportements non-éthiques de Florent Curtet sur lesquels il a été publiquement interpellé en 2022 (notamment une tentative d’intimidation, et un maquillage de mentions légales d’auto-entreprise), n’a fait l’objet d’aucune réaction de la part de “Hackers Sans Frontières” : au delà des comportements de son président, c’est en premier lieu cette absence de réaction qui porte atteinte à l’éthique de l’association qui, en l’état, se comporte comme si ces faits documentés n’existaient pas.
II - Réactions de l’association “Hackers Sans Frontières” suite à la parution de l’article
N’ayant pas constaté d’autre publication sur ce sujet, nous avons décidé de poursuivre ce travail d’analyse en tant qu’observateurs indépendants, sans parti pris ni affiliation. Suite à la publication de l’article de l’Ecole de Guerre Economique, nous avons constaté les faits suivants :
1. Publication d’un communiqué du président de “Hackers Sans Frontières” annonçant sa mise en retrait de l’ONG
Trois jours après la publication de l’article de l’Ecole de Guerre Economique, Florent Curtet, alors président de l’association, diffuse sur sa page LinkedIn personnelle un communiqué (consultable ici - l’écrit est daté du “01/09/22”, ce qui est incohérent au regard de la chronologie : nous retenons la date de publication documentée par la plateforme Linkedin, soit le 9 janvier 2023). Dans ce communiqué , le président de “Hackers Sans Frontières” :
- Exprime se “retirer de la gérance en attendant de pouvoir [s]’exprimer plus librement”.
- Exprime être “interloqué” par “cette formidable allégation” faisant “mention de deux écueils supposés”, à savoir “l’opacité prétendue de l’ONG”, et “le passif [de l’auteur] en tant qu’ancien hacker”.
- Exprime que l’association “ne possède en actif que -42 000 euros de frais”, explicitant que l’association perd chaque jour de l’argent “pour le bien universel de la Cyber Santé du parc IT français qui pourrait [les] solliciter”.
- Reconnaît “avoir eu des démêlés avec la justice […] entre 2003 et 2007”, mais qu’il est “pleinement réhabilité”.
- Exprime que “l’EGE utilise comme élément à charge un dossier en cours qui ne la concerne pas” et “sous le sceau du secret de l’instruction”.
- Dénonce “l’absence de prise de contact préalable ou de proposer un droit de réponse” et de “balay[er] d’un vulgaire revers de main [s]on éthique et [d’]écorcher subtilement par rebond celle d’Hackers Sans Frontières”.
- Critique “l’EGE de préférer prendre pour parole d’évangile les écrits contestables d’un groupe de rançonneurs publiant sur le TOR plutôt que de se renseigner de manière plus académiques auprès des principaux intéressés et tout cela en bafouant malignement les règles inaliénables de la discrétion de [leur] métier et plus encore de la présomption d’innocence”.
2. Le nouveau président de l’association publie un sondage Linkedin pour décider ou non d’apporter une réponse aux accusations
La structure organisationnelle de “Hackers Sans Frontières” n’étant toujours pas documentée à ce jour, il faut se référer aux intitulés de postes sur LinkedIn pour supposer que Karim Lamouri est bien le nouveau président de l’association.
Ce sondage publique (consultable ici, ainsi que son fil de discussion) diffusé en janvier 2023 sur LinkedIn par Karim Lamouri, dénonce des propos “assez graves” formulés par l’article de l’Ecole de Guerre Economique. Il qualifie notamment l’auteur de “juge auto-proclamé de L’Ethique et surtout piètre investigateur”. Le nouveau président exprime également dans son message le fait de vouloir “négocier de la dispo pour former” au sein de l’Ecole de Guerre Economique.
Dans le fil de discussion du sondage, le président commente par ailleurs :
- Qu’il est “dégueulasse” de dire que lui-même s’enrichit “sur le dos de [ses] actions caritatives”.
- Que le document publié par l’Ecole de Guerre Economique “n’est pas un article” au motif qu’“il faut au moins être journaliste pour ça….” et que “si ca ne vous as pas étonné, c’est que vous n’êtes pas impartial”.
- Qu’il y a une contradiction à citer Everest comme une source fiable (NDLR : Everest est le gang de rançonneurs qui a dénoncé des agissements non-éthiques de l’ex-président mis-en-examen, et dont le communiqué a été analysé dans l’article de l’Ecole de Guerre Economique).
III - Analyse : un aveuglement délibéré en soutien d’une stratégie de communication malhonnête
Il est édifiant de constater combien les communications de “Hackers Sans Frontières” ne répondent pas aux accusations formulées par l’article de l’Ecole de Guerre Economique. Il est difficile de ne pas l’interpréter comme une stratégie d’évitement pour ne pas répondre aux faits documentés. Commentons les éléments de réponse exprimés publiquement par “Hackers Sans Frontières”.
1. Analyse critique du communiqué du président déchu
En écrivant qu’il ne peut s’exprimer librement sur les accusations dont il fait l’objet, Florent Curtet adopte une posture défensive victimisante qui vise à discréditer toute question. Cependant, il ne justifie pas clairement pourquoi il ne peut s’exprimer, ni sur quoi. Il est sous-entendu dans son message qu’il s’agit “du dossier en cours [..] sous le sceau de l’instruction” selon ses termes.
Il est intéressant de noter qu’en réponse au communiqué, Valéry Rieß-Marchive, membre de la communauté cyber française, aussi connu comme rédacteur en chef de LeMagIT, écrit :
Il n’y a pas à invoquer le secret de l’instruction dans ce contexte parcequ’il ne s’applique ni aux victimes ni aux personnes visées par l’enquête (je le vois trop souvent invoqué pour éviter de s’exprimer publiquement sur un dossier […]).
Par ailleurs, l’Ecole de Guerre Economique précise dans son article que la mise en examen du président n’est pas le comportement non-éthique pointé :
Sans préjuger de la culpabilité […] sur les faits dont il est accusé dans sa mise en examen du 14 novembre 2021, le fait que lui, ou l’ONG Hackers Sans Frontières, n’aient pas communiqué publiquement sur ces accusations constitue une faute : en bafouant les impératifs de transparence et d’éthiques exemplaires qui incombent aujourd’hui à toute association ONG, Hackers Sans Frontières a perdu toute légitimité. Au-delà même de l’éthique et de la transparence attendues par la société civile, Hackers Sans Frontières a porté en étendard dès sa genèse ces mêmes valeurs morales qui aujourd’hui lui font défaut.
Ce qui est reproché est donc l’absence de mise en retrait pro-active de Florent Curtet, et particulièrement l’absence de prise de position officielle de l’association une fois les faits exposés.
La stratégie du président déchu est donc de détourner l’attention en faisant croire qu’on l’accuse d’autres choses que les faits documentés : à ces derniers, il n’apporte aucune réponse. Les deux “écueils” qu’il met en avant dans sa communication (qui de notre point de vue ne sont pas des “écueils”, mais des comportements non-éthiques graves) concernent l’opacité de l’association, et son passé d’ancien hacker. S’il a raison sur la notion d’opacité à laquelle il n’oppose aucun élément contradictoire concret, son passé d’ancien “hacker” n’est pas pointé comme éthiquement répréhensible par l’article :
Bien que le profil d’ancien hacker de Florent Curtet serve largement d’argument marketing pour ancrer une crédibilité sur le thème du hacking, en symbiose d’une logique commerciale de vente de prestations de cyber-sécurité, l’approche reste à ce stade éthiquement tolérable, et pourrait continuer à servir la rhétorique de l’exemple moral par la rédemption. Malheureusement, d’autres éléments de lecture jettent une suspicion et contribuent au discrédit de ce narratif.
Au final, le président déchu ne répond pas sur le fond de :
- L’absence de lisibilité sur la structure organisationnelle de l’association, et l’absence de mentions légales qui identifieraient clairement l’ONG.
- L’absence de réaction de l’ONG sur une mise en examen d’un membre de sa gouvernance, en contradiction avec les valeurs de transparence prônées.
- L’usage de fausses mentions légales sur le site web de son auto-entreprise (l’erreur étant exclue tel que démontré dans l’article de l’Ecole de Guerre Economique).
- Tentatives documentées d’intimidation sur Internet en réponses aux personnes qui demanderaient une explication sur les comportements non-éthiques.
Le président déchu se plaint également de l’absence de prise de contact de l’Ecole de Guerre Economique préalablement à la diffusion de l’article, et l’absence de droit de réponse offert par celle-ci. Valéry Rieß-Marchive, cité précédemment, apporte un éclairage dans le fil de discussion LinkedIn :
Un droit de réponse ne se donne pas, il se demande (donc si toi ou HWB ne le demande pas, on ne peut pas reprocher à l’EGE de ne pas le donner. Et si l’EGE l’accorde, il ne pourra pas lui être reproché d’y répondre à son tour).
Puis en citant Legifrance :
Le directeur de la publication est tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le service de communication au public en ligne.
En réponse à ce commentaire, le président déchu commente :
L’article n’a que 4 jours […], j’imagine que sous quinzaine cela évoquera une forme de refus.
Nous avons fait l’exercice : l’Ecole de Guerre Economique affiche sur son site web une adresse postale, un numéro de téléphone, et une adresse courriel dédiée afin de déposer toute réclamation relative au contenu publié. Quelques jours après la publication, le délai légal de prescription pour une éventuelle diffamation est loin d’être dépassé et laisse l’opportunité d’apporter une réponse construite. Peut-on faire l’hypothèse que le président déchu n’ait pas souhaité s’exposer plus, et qu’aucune démarche n’ait été faite en ce sens ? Comme rappelé, il s’agit d’une obligation légale : difficile d’imaginer une école de l’enseignement supérieure s’y soustraire.
Enfin, le président déchu tente de porter un discrédit supplémentaire sur l’article en remettant en question les sources de l’article, notamment celle du groupe Everest. Contrairement à ce qu’écrit le président déchu, l’Ecole de Guerre Economique ne prends pas pour “paroles d’évangile” cette source. Celle-ci est contextualisée de la façon suivante dans l’article :
- Everest est un groupe de hackers qui opère en 2021 en France.
- Florent Curtet donne une interview (le 11 octobre 2021) dans un journal en ligne pour expliquer qu’il “est entré en contact avec Everest, notamment pour prévenir les cibles potentielles du risque”.
- Everest réagi en publiant sur Tor un communiqué qui incrimine directement Florent Curtet et son auto-entreprise, et en référençant un lien vers l’article précédent.
- Un article dans Marianne (du 24 novembre 2021) et dans le Figaro (du 03 décembre 2021) évoquent la mise en examen d’un intermédiaire entre Everest et les victimes.
- Un troisième média cite nominativement Florent Curtet comme étant mis en examen (le 29 novembre 2021) pour cette même raison.
Notons que l’Ecole de Guerre Economique ne cite pas les propos d’Everest qui ne semblent pas vérifiables en sources ouvertes : d’autres accusations d’Everest, peu élogieuses envers l’intéressé, ne sont pas relevées. Le travail de documentation est donc sourcé, et il est analysé sous l’angle d’un faisceau d’indices concordants dont la plupart sont rapportés par des grands médias.
De l’autre côté, le président déchu oppose un récit sans démonstration, et regrette une façon de faire insuffisamment “académique” et insuffisamment “poussée”. Il semble osé de reprocher à une institution qui a récemment fait parler d’elle pour ses travaux académiques un défaut de méthode (par exemple, l’Ecole de Guerre Economique est citée comme référence dans le rapport d’information n° 872 du Sénat publié en 2023 intitulé “Anticiper, adapter, influencer : l’intelligence économique comme outil de reconquête de notre souveraineté”) ; et particulièrement quand l’alternative proposée est d’aller se renseigner auprès de la personne concernée, qui lorsqu’elle prend la parole ne répond pas sur le fond.
2. Analyse critique de la réaction du nouveau président
Ici ce n’est pas tant le sondage qui pose question, ce sont les commentaires qui l’accompagnent.
En premier lieu, notons que Karim Lamouri accuse l’auteur de l’article incriminant de se positionner en “juge auto-proclamé de l’éthique”. Une recherche rapide sur un moteur de recherche montre que l’éthique, notamment via la rhétorique humanitaire de l’objet associatif, constitue un récit martelé par les fondateurs dans leurs apparitions médiatiques. En termes d’auto-proclamation, il semble que “Hackers Sans Frontières” sorte vainqueur de l’accaparement de l’éthique. Une phrase éclairante de l’article de l’Ecole de Guerre Economique est :
Hackers Sans Frontières a porté en étendard dès sa genèse ces mêmes valeurs morales qui aujourd’hui lui font défaut.
Le président accuse également l’auteur de l’article d’être un “piètre investigateur” : il est dommage qu’aucun élément de preuve ne soit apporté. C’est à se demander pourquoi un changement dans la gouvernance de l’association a été suscité par cet article si tous les arguments énoncés sont de piètres arguments.
Ainsi, plutôt qu’une remise en question ou une clarification tranchée sur les faits exposés, le nouveau président se détourne des éléments factuels portés à son attention et les tourne en discrédit par l’ironie, sans apporter aucune réponse. On peut noter la volonté du président de se repositionner au-dessus du débat en discréditant l’Ecole de Guerre Economique par un artifice rhétorique :
On va négocier de la dispo pour former là-bas.
Par cette phrase, il sous-entend que l’Ecole de Guerre Economique n’est pas suffisamment qualifiée pour analyser le sujet, et qu’en revanche “Hackers Sans Frontières” dispose des compétences manquantes qu’ils pourront apporter dans leur démarche évangélisatrice humaniste. Il ne précise pas si la formation porterait sur l’éthique et la transparence : peut-être un beau cas d’étude à partager aux étudiants ?
Nous retiendrons le commentaire d’un internaute adressé au président :
Vous n’avez pas le monopole de l’objectivité et de l’impartialité. Je ne comprends pas ce qui vous empêche de démontrer qu’il s’agit d’une diffamation si vous en êtes convaincus.
Celui-ci est resté sans réponse, alors que le fil de discussion continue sur d’autres propos, plutôt à tendance méprisante envers l’auteur de l’article.
3. Un soutien actif de la communauté de “Hackers Sans Frontières” à leur association
Lorsque l’on fait la synthèse factuelle de cette séquence, rien ne semble objectivement tirer vers le haut “Hackers Sans Frontières”. Il peut alors paraître surprenant de constater qu’une communauté active soutient “Hackers Sans Frontières” malgré les faits exposés. Dans les commentaires que nous avons pu lire, semble se dégager une certaine admiration des membres pour leur communauté et leurs leaders. S’il fallait retenir un aspect positif de “Hackers Sans Frontières”, c’est cette adhésion que nous reconnaîtrions. Nous le voyons comme un épiphénomène, mais l’ampleur reste difficile à quantifier réellement :
- Sans rapport d’activité étayé, il n’est pas possible de savoir qui contribue activement à l’association : parle-t-on d’une petite communauté de 26 personnes (celles enrôlées sur LinkedIn comme membres de l’organisation), ou des 200 à 300 membres qui sont proclamés dans les médias par les co-fondateurs ?
- Les membres les plus extrêmes (les plus propices au déni) sont ceux qui s’expriment le plus, souvent dans un fonctionnent en meute qui amplifie un potentiel écho.
Un des éléments de réponse pour justifier cette adhésion se trouve peut-être dans les commentaires élogieux à destination du président déchu : une communauté lui reconnaît des actions bénéfiques, à tendance héroïque, par exemple :
Sans toi rien ne serait […] Les gens ne savent rien de ton passé et des implications qu’il comporte. Tu as donné à notre pays, et ça personne ne s’en rappelle ! Un minimum de recherche et de bon sens permet d’avoir une idée de [ce] que tu as fait et pour qui …
Plusieurs commentaires similaires s’inscrivent dans ce sous-entendu héroïque. Nous avons fait nos recherches, évoqué le sujet avec des experts de différentes horizons (professionnels, ex-collaborateurs, ou journalistes), et notre avis personnel n’est pas celui du commentateur précédent, d’autant plus que les éléments exposés renvoient une toute autre image que celle du chevalier blanc de la cyber. Il semble trop facile de se cacher derrière un profil d’expert qui manipule des sujets sensibles et confidentiels ne permettant pas de les évoquer publiquement, tout en les distillant dans le sous-entendu, puis en rejetant les éléments factuels qui contredisent le récit officiel. A l’ère des “fake news”, l’inversion des valeurs est dommageable.
L’article de l’Ecole de Guerre Economique apporte des éléments de lecture sur cette adhésion sans faille de certains membres envers leur leader :
Alors que la cyber-sécurité est aujourd’hui un enjeu décisif de survie des entreprises, que ce sujet est souvent mal compris et mal appréhendé, […] ce contexte s’avère favorable à la mystification du sujet. […] La tendance à l’hypermédiatisation et la vulgarisation du sujet pour le grand public, l’appel à un marketing exacerbé dans un marché en effervescence, permettent et encouragent une auto-proclamation de l’expertise cyber-sécurité.
D’autres commentaires montrent leur soutien à “Hackers Sans Frontières” en mettant en avant l’utilité publique, et les réalisations humanitaires de l’association. Là encore, aucune documentation n’est disponible, hormis les fanfaronades médiatiques des co-fondateurs qui ne contribuent à aucun élément de preuve concret pour un observateur tiers. Notre attente est que soient documentées publiquement et de manière sérieuse ces réalisations, ainsi que le bilan financier de l’association. C’est la moindre des choses lorsque l’on veut jouer dans la cours des “ONG” : c’est ce qui permet de démontrer son sérieux, et sa valeur ajoutée pour la société. Sans ces éléments, aujourd’hui absents, nous ne pouvons qu’acter que “Hackers Sans Frontières” est une coquille vide, véhicule marketing et promotionnel de ses membres.
S’il fallait encore s’en convaincre, nous tapons “cyber ONG” dans notre moteur de recherche, et le premier lien renvoie vers le “CyberPeace Institute” : sur la page d’accueil du site web, un lien référence les rapports d’activités et financiers de l’association. Si l’objet de cet article n’est pas le CyberPeace Institute, nous ne pouvons que constater l’écart flagrant de sérieux entre les deux associations “ONG”. Rappelons que “Hackers Sans Frontières” existe maintenant depuis plus de deux ans (d’après les dire médiatiques des fondateurs, car pour rappel, “Hackers Sans Frontières” ne communique pas publiquement les éléments de transparence attendus).
IV - Etat des lieux plus d’un an après la publication de l’Ecole de Guerre Economique
- L’assocation n’a toujours publié aucun statut, ni mentions légales, mais également aucun rapport d’activité qui documenterait sa structure organisationnelle, ses membres, ses réalisations, ses projets, son bilan financier.
- Le président déchu a mis à jour les mentions légales de son site Internet d’entreprise, mais celles-ci ne respectent toujours pas la législation en vigueur concernant l’identification de la société : les éléments frauduleux dénoncés originellement par l’Ecole de Guerre Economique (capital, mention d’une activité auto-entrepreneuriale) n’apparaissent pas ; de plus, l’adresse affichée ne correspond toujours pas à l’adresse d’immatriculation de l’entreprise présente dans les registres officiels.
- Le président déchu publie des livres et prépare une série télévisée : bien que les marques sensationnaliste et fictionnelle soient ancrées dans les éléments discursifs, cette initiative démontre les capacités de l’individu à produire une valeur ajoutée dans le domaine du divertissement et de l’édition, sans s’inscrire purement dans la transgression ; nous ne pouvons que l’encourager à se repentir une bonne fois pour toute, car contrairement à son affirmation de janvier 2023, nous ne considérons pas qu’il est réhabilité du point de vue de l’éthique.
- Les trois membres très actifs de ce qui semble être le noyau dur de “Hackers Sans Frontières” continuent de surfer sur la vague marketing de l’association : passage dans les médias, membre du comité éditorial du Cyber Paris Show, etc.
C’est cette médiatisation qui nous pousse à écrire, en premier lieu pour documenter, en second lieu pour poser à nouveau la question : de quelle légitimité dispose “Hackers Sans Frontières” aujourd’hui ? Toutes ces apparitions médiatiques ne sont-elles pas un soutien au parti pris de l’opacité, et de l’indécence éthique ? Cette question fondamentale du point de vue de l’éthique et de la transparence a été posée par l’Ecole de Guerre Economique, mais aucune réponse satisfaisante n’a été apportée aujourd’hui.
V - Le mot de la fin
Notre action vise uniquement à mettre l’éthique au coeur du débat, là où elle nous parait ostensiblement vacillante. Nous ne sommes pas en croisade contre “Hackers Sans Frontières”, et nous ne cherchons pas le coup d’éclat : ce sujet, soyons francs, n’intéresse qu’un microcosme.
Nous avons contacté “Hackers Sans Frontières” par courriel avant de publier cet article, dans une approche qui se voulait constructive : en premier lieu, collecter les éléments de transparence absents de la sphère publique afin de les analyser pour construire notre avis. Nous souhaitions également savoir si les propos tenus en réponse à la publication de l’Ecole de Guerre Economique pouvaient avoir été l’objet d’une maladresse, si des conclusions avaient été tirées, ou si l’article publié omettait certains détails importants pour la bonne compréhension. Sur ce dernier point, nous avons également proposé notre aide pour les analyser, dans une logique, pourquoi pas, de prendre le contre-pied de celui de l’Ecole de Guerre Economique.
“Hackers Sans Frontières” n’a pas souhaité répondre à nos questions. Par soucis de transparence, nous consignons ici que “Hackers Sans Frontières” nous a informé ne pas avoir de compte en banque, ne pas verser de salaire, ne pas recevoir de donation ou dotation, ni financement tiers. Concernant l’énoncé de faits reportés dans le présent article, “Hackers Sans Frontières” a exprimé qu’il s’agissait de diffamation et menacé de porter plainte à la publication. Nous avons insisté :
Si nous prenons contact en amont avec vous, c’est bien pour identifier les propos que vous jugez diffamatoires, avant tout écrit. Nous avons observé vos déclarations publiques sur le sujet et aucune ne nous a permis d’identifier un argumentaire solide qui permettrait de discréditer les propos tenus par vos détracteurs. Nous sommes donc à votre disposition pour faire l’analyse des propos qui vous semblent diffamatoires et vous réinstaurer publiquement. Aidez-nous. [extrait courriel à destination de “Hackers Sans Frontières”, daté du 27 avril 2024]
“Hackers Sans Frontières” a exprimé dans l’ultime message échangé n’avoir aucun problème à répondre sur le fond ou la forme des questions posées, mais ne pas souhaiter les évoquer avec des inconnus qui, en omettant de s’identifier formellement, manquaient de professionnalisme. En conclusion de l’échange, nous avons été invités en toute cordialité à Genève pour nous présenter personnellement, et se faire présenter l’association.
Nous avions précisé dans l’échange être des blogueurs anonymes et amateurs, animés par le plaisir d’écrire en communauté engagée. Nos propos nous engagent. Déplacer le débat sur l’identité de l’inquisiteur est un mauvais calcul. Notre anonymat est un choix, un arbitrage : il est le garant de notre liberté éditoriale, nous offre une barrière de protection aux attaques vengeresses, nous préserve d’accusations de “buzz” ou de valorisation d’images personnelles (nous ne sommes personnes), et permet ainsi de se concentrer sur le fond du problème. En ce sens, notre anonymat n’affaiblit pas notre discours : il renforce sa légitimité. C’est bien sûr l’opposé qui est attendu d’une ONG, et ici, “Hackers Sans Frontières” fait une erreur absolue en ignorant les fondamentaux de transparence associés : le fait simple de ne pas vouloir exposer publiquement des informations basiques de transparence disqualifie l’association.
Concluons avec ce que devrait être “Hackers Sans Frontières”, telle que l’association l’exprimait en mars 2022 :
“We want to be crystal clear and transparent”.
Messieurs, vous avez lourdement failli.
Synthèse des échanges avec “Hackers Sans Frontières”
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08 avril 2024 : Prise de contact par courriel avec l’association via l’adresse dédiée aux contacts presse (press@hwb.ngo) pour demander un rapport d’activité de l’association, ainsi qu’une description de sa structure organisationnelle, ses membres, ses réalisations, ses projets.
-
10 avril : Sans accusé de réception ni réponse, courriel de relance avec ajout en destinataires des adresses courriels référencées sur le site de l’association (contact@hwb.ngo, k***@hwb.ngo).
-
13 avril : Prise de contact publique sur Twitter (référençant le compte de “Hacker Sans Frontière”, et celui de trois fondateurs) mentionnant un envoi d’email sans réponse et la volonté d’obtenir un rapport d’activité de l’association pour bien comprendre ses actions et son impact.
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17 avril : Relance par courriel aux mêmes adresses de contact. Nous mentionnons cette fois-ci que nous rédigeons un article sur “Hackers Sans Frontières”. Nous obtenons une réponse de la part du président de l’association qui nous invite à poser nos questions, sans toutefois répondre à la demande initiale.
-
18 avril : Toujours dans le même fil courriel, nous ré-exprimons notre demande d’obtenir un rapport d’activité et un bilan financier de l’association. Nous obtenons une réponse qui mentionne : l’absence de compte bancaire de l’association, l’absence de salaire versé, l’absence de vente ou donation, ou financement. Cette réponse nous invite à poser nos autres questions. En l’état nous n’avons pas obtenu de réponse explicite sur le rapport d’activité.
-
19 avril : Nous exprimons alors nos premières questions générales visant à comprendre l’ONG et sa gouvernance (bureau exécutif, enregistrement légal, bénéficiaires, membres, partenaires, auditeur indépendant, tierces parties autres).
-
24 avril : Sans réponse, relance à destination du président.
-
27 avril : Nous relançons à nouveau, en ajoutant une liste de questions portant sur l’article de l’Ecole de Guerre Economique, et sur les propos que nous avons analysés dans le présent article. Nous recevons une réponse qui demande de mettre un terme à cet échange. Un dernier échange de mail suit : un de notre part, pour accuser réception de la demande de ne plus rentrer en contact avec “Hackers Sans Frontières” tout en précisant que nous restons à leur disposition pour investiguer sur les propos dits diffamatoires, et une dernière fin de non recevoir de “Hackers Sans Frontières” tant que nous restons anonymes.
Photo d’illustration: Olesya Yemets sur la plateforme Unsplash